La préparation aux situations d'urgence: un défi global pour les territoires

La préparation aux situations d'urgence: un défi global pour les territoires
À l'invitation de l'association internationale des maires francophones (AIMF), le ministre wallon Christophe Collignon a introduit, ce samedi 4 décembre 2021 à Yaoundé, une réunion plénière consacrée à la préparation des situations d'urgence telles que les catastrophes naturelles.

Cette session de travail avait notamment pour objectif de sensibiliser largement les responsables locaux du Cameroun sur l'importance de se préparer à affronter les situations d'urgence, et tout particulièrement les inondations, à travers l'expérience de deux villes pilotes – Yaoundé au Cameroun et Phnom Penh au Cambodge – et de partenaires de l'AIMF.

Au-delà de la crise sanitaire, de nombreuses villes du nord comme du sud, subissent les conséquences du changement climatique et sont soumises à des phénomènes naturels extrêmes. Telle a été le cas aussi, en 2021, des villes et communes wallonnes: un témoignage de Christophe Collignon, ministre du logement, des pouvoirs locaux et de la ville du Gouvernement wallon a été proposé pour illustrer cette expérience.

 

"C’est un honneur d’intervenir en introduction de cette session. Mais c’est aussi un plaisir! Le plaisir qu’on éprouve à se retrouver "en famille", au sein de cette Francophonie qui nous unit intimement à travers les cinq continents.

Comme le disait très justement Albert Camus, la langue française est "une patrie"; une patrie qui nous est commune et qui fonde, entre nous, une compréhension et une solidarité à la fois immédiate et naturelle.

Cet échange Nord-Sud que vous avez souhaité organiser s’inscrit donc dans une grande unité: unité culturelle et humaine autant qu’unité face à des défis désormais planétaires.

Faire face aux situations d’urgence, gérer les crises… cet impératif est sans doute aussi ancien que l’entrée de l’Homme en civilisation. Et de même, les inondations comptent parmi les fléaux que notre espèce affronte depuis des temps immémoriaux. J’en veux pour preuve les mythes du déluge présents dans toutes les cultures.

Ces menaces revêtent pourtant une acuité particulière dans le contexte de changement climatique que nous connaissons aujourd’hui, et qui place, cette fois, l’ensemble de l’humanité face à une responsabilité commune.

Avec des différences, bien sûr. Ainsi, les conséquences dramatiques des catastrophes naturelles n’affectent pas encore toutes les régions de la même manière ni avec la même intensité.

Et tout indique qu’une fois encore, ce sont les plus faibles, entre les États comme au sein de ceux-ci, qui sont les premiers frappés. Mais tout indique aussi que personne ne sera épargné!

Le réchauffement climatique n’est plus une théorie ou une menace lointaine; il n’est plus non plus le problème des pays "exposés". Nous en avons hélas des preuves toujours plus tangibles. Ce fut notamment le cas chez moi, en Wallonie, cet été, avec de terribles inondations qui ont semé la mort et la désolation dans cette région qui n’est pourtant pas située sur la ligne côtière.

Bien sûr, il ne faut pas instrumentaliser cet événement dramatique pour en faire le signe avant-coureur de l’apocalypse. Il n’y a rien de plus démobilisateur qu’un tableau outrageusement noirci qui conduit au sentiment d’impuissance et à la résignation.

Il faut, en revanche, tirer tous les enseignements des épreuves traversées, en ayant conscience du fait qu’elles se reproduiront immanquablement, sous une forme ou sous une autre.

En cela, les inondations, survenues dans un contexte de pandémie dont nous ne sommes pas encore sortis, montrent que nous allons devoir vivre avec une conscience du risque et donc cultiver une culture de la prévision et de la gestion de l’urgence.

Alors, dans cette brève introduction, je ne vais pas vous asséner le catalogue des mesures que nous avons prises pour venir en aide aux sinistrés, face au danger puis à ses conséquences.

Comme ministre du logement, j’ai été confronté à la réalité dans ce qu’elle a, non pas de plus prosaïque mais bien de plus concret, au sens noble qu’à ce terme pour un responsable politique.

Nous avons organisé la solidarité entre les sociétés de logement public, nous avons passé des marchés cadres pour la location ou l’acquisition de logement modulaires, nous avons développé des incitants pour la mise en location de logements privés, parfois à vocation touristique, et nous avons été jusqu’à louer des appareils de déshumidification pour les immeubles touchés…

Ceci pour ne prendre que quelques exemples pointus, au-delà des moyens investis globalement pour assurer l’évacuation rapide des monceaux de déchets; la restauration de l’accès à l’eau, au gaz et à l’électricité; la reconstruction de ponts et de routes; la remise en ordre des infrastructures essentielle de communication, et le soutien aux administrations locales sinistrées… et submergées.

Le tout pendant que le Gouvernement wallon négociait avec les compagnies d’assurance un rehaussement de leur niveau d’intervention et revoyait les critères du Fonds des calamités; le fonds public conçu pour intervenir dans ce type de situation mais qui n’avait jamais eu à faire face à un défi d’une telle ampleur.

D’une manière générale et transversale, un élément que je retiens de cette action au cœur de la crise puis dans la gestion de ses conséquences, c’est le rôle pivot des pouvoirs publics, bien sûr, mais particulièrement des échelons de proximité.

Une catastrophe survient toujours quelque part! En un lieu et sur un terrain particulier, et c’est forcément à partir de ce terrain que se structure la réponse.

Et nous l’avons bien vu face aux inondations de juillet dernier, les citoyens se tournent vers la commune, vers le maire, qui doit faire face à toutes les demandes et coordonner toutes les réponses. Là aussi, avec des situations très variables, selon qu’on se trouve dans une ville comme Liège ou une petite commune rurale de moins de 5.000 habitants, avec des services et des moyens d’action évidemment limités.

D’où l’importance vitale d’une bonne articulation avec les niveaux supérieurs. Et quand je parle de "bonne articulation", moi qui suis à la fois maire d’une ville de 20.000 habitants et ministre des pouvoirs locaux, j’entends une dynamique de collaboration qui respecte et capitalise sur la force du terrain.

Nous avons, en Wallonie, une très longue tradition municipale, et nous nous inscrivons dans le cadre d’un fédéralisme particulièrement approfondi. Ce sont des conditions idéales pour une application efficace du principe de subsidiarité qui est un des fondements du fonctionnement de l’Union européenne.

Nous avons donc assez naturellement mis en œuvre une action conjointe et concertée entre les communes et la Région, avec, à l’articulation des deux, les provinces, qui sont les héritières directes de départements napoléoniens.

C’est sur ce dialogue permanent entre la première entité décentralisée et l’institution législative pivot de notre fédéralisme que nous avons géré et continuons de gérer l’essentiel de la crise.

Cela s’explique institutionnellement, car, chez nous, la Région est l’institution de référence des pouvoirs locaux, celle qui détermine leur forme — par la loi organique —, celle qui exerce sur eux la tutelle et celle qui assure ou encadre la majeure partie de leur financement.

Cela s’explique aussi culturellement, déjà dans un rapport à la langue dont on sait combien il est déterminant, mais aussi dans l’esprit qui préside aux relations entre l’autorité législative et les pouvoirs décentralisés.

Nous avons une tradition qu’on pourrait qualifier de girondine et, de facto, de proximité, à l’échelle d’une région de 3,6 millions d’habitants.

Je considère ces éléments comme une force, et je pense que les crises que nous affrontons en ont apporté la confirmation.

Face aux inondations comme face à la covid-19, nous avons entendu certains mettre en cause une structure multi-niveaux comme une entrave à une réaction rapide et uniforme…

Mais nous avons surtout vu s’illustrer rapidement les limites d’une réponse trop uniformisée. C’est manifeste face à la pandémie, même si chaque responsable doit conserver une grande humilité dans la gestion de cette crise. C’est vrai dans des État fédéraux et profondément hétérogènes comme le mien, c’est vrai aussi dans des États-nations de tradition centralisatrice comme la France, où les régions et les collectivités locales ont joué un rôle majeur, efficace car adapté à chaque situation.

Alors, bien sûr, il ne s’agit pas de chercher à déterminer qui joue le rôle le plus important et moins encore d’opposer les niveaux de pouvoir.

Il s’agit, au contraire, de réussir l’exercice, parfois difficile, d’équilibrage entre les intervenants publics, dans une logique de subsidiarité, "d’additionnalité" et je dirais plus simplement de coopération et de respect.

Cette collaboration dans le respect, je pense modestement que nous sommes parvenus à l’établir en Wallonie, entre nos communes et l’autorité régionale qui incarne l’État sans affecter cette distance qui le caractérise parfois.

Voilà pourquoi je pense qu’au-delà des mesures concrètes que nous pouvons livrer à la réflexion commune, la Wallonie a une expérience à partager avec les maires francophones.

C’est ainsi que nous pourrons valoriser les expériences de chacun, pour en tirer ce qui, au-delà du spécifique, peut s’avérer transposable ou généralisable tant au Nord qu’au Sud.

Je lisais en exergue du site de notre association, une phrase programmatique d’Anne Hidalgo qui dit:

"L’AIMF, c’est un projet commun. Celui de donner à chacun de nos territoires la possibilité de se développer dans un monde qui est confronté à des défis majeurs."

Elle résume parfaitement notre réalité et notre ambition, qui est de faire face à des défis communs, à la fois tous ensemble et dans la conscience de la diversité de situations qui ne se perçoit pleinement qu’à partir du terrain, c’est-à-dire des territoires.

Je pense donc que c’est une philosophie particulièrement moderne et efficace qui nous unit et je me réjouis d’y prendre part, au nom de la Wallonie!"

 

L'INTERVENTION DU MINISTRE CHRISTOPHE COLLIGNON EN VIDÉO

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